Quelque temps plus tard, un ami emmène Brassens à la boutique-librairie où il fait connaissance de chacun. Bref dialogue :
"Tu écris de la poésie ?" - "Non, des chansons." Audition sur le pouce. "l faut que tu continues".

Un encouragement assorti d'un commentaire "un peu vague mais flatteur" : "C'est de qualité".
Devenu célèbre en quelques semaines grâce au "Gorille", Brassens donne un coup de main.
Jacques Canetti (responsable de la production de disques chez Philips et patron des Trois Baudets) et Francis Claude (l'animateur de Milord l'Arsouille) convoquent Moustaki
"un peu honteux de susciter tout ce remue-ménage avec trois malheureuses chansons".
Et il écrit de plus belle pour tenter d'être digne de son mentor et répondre à l'attente.
Chanteur de rues occasionnel il se risque dans quelques restaurants pour y faire la manche, puis accompagne à Bruxelles un ami auteur de romans policiers, à la recherche d'un décor pour sa prochaine intrigue. A court d'argent, il propose ses services à la Rose Noire, un cabaret de la Petite Rue des Bouchers alors mal fréquenté.

Pianiste d'ambiance - et pour le même cachet - il ajoute à sa prestation les cinq ou six chansons de son répertoire : "Eden Blues", Le bar des cinq parties du monde", "Putain de toi" de Brassens, "La chambre" et "Le parvenu" de Léo Ferré, "Un jour tu verras" le succès de Mouloudji.


Photographie P.Dacasa

De retour à Paris, sans illusion ni conviction, il pousse la porte de l'Echelle de Jacob et en moins d'une heure se retrouve pour la première fois de sa vie sur une scène équipée d'un micro, dans une vraie salle de spectacles... dont la vedette est Jacques Brel.

"J'ai du réagir inconsciemment. En pilotage automatique. J'ignore si ça a marché ou pas. On ne m'a pas jeté dehors et on ne m'a pas gardé au-delà des quinze jours prévus. C'était déjà beaucoup !"

La période est aux "auteurs-compositeurs-interprètes" et ce court passage lui permet de trouver des engagements au Port du Salut, à la Colombe, au Collège Inn, à la Boîte à Chansons ou chez Pomme sur la Butte.

Son répertoire prend une tournure plus personnelle avec "Gardez vos rêves", "Les orteils au soleil" (son premier hymne à la paresse et à la Méditerranée) et "Donne du rhum à ton homme" (qu'on prend à tord pour une chanson folklorique antillaise et que Maria Candido enregistre en 1958).

Il rencontre l'idole de ses quinze ans, Henri Salvador, qui met en musique "Il n'y a plus d'amandes" et Henri Crolla, un guitariste exceptionnel auquel il voue une véritable passion. Deux de leurs musiques se ressemblent : celle de "M'sieur p'tit Louis" chantée par Montand et signée Crolla et celle qu'a composée Moustaki sur "Lézard", un poème d'Aristide Bruant. Ils se rencontrent pour résoudre ce litige et plutôt que d'ergoter sur les droits d'auteurs, ils envisagent de faire une chanson ensemble.

 

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